Conférence de l’AGLoire
L’épopée insolite des colporteurs
mardi 25 février 2020
par FORAISON Christiane

Jean-François FAYE est venu à l’AGLoire raconter « l’épopée insolite des colporteurs ». Il a su nous intéresser par la clarté, la documentation, les anecdotes, tout cela de façon très vivante. Sa conférence bien structurée n’a pas laissé place à l’ennui pour le public.





Sa conférence était un résumé de son livre « Ils rêvaient le monde. Trajectoires de colporteurs » qu’il a écrit avec Sylvie VISSÀ aux Editions Amis des Bois Noirs dont il est le président. Le livre retrace le parcours de 30 revendeurs et de colporteurs.

Vous pouvez le commander ici




On découvre le phénomène d’une concentration de colporteurs entre 1820 et 1870 mais il y en avait avant et après. Ils étaient localisés dans les Bois Noirs, principalement dans le versant auvergnat, il y en avait aussi dans le versant forézien, mais le manque d’archives empêche d’en mesurer l’ampleur, et pratiquement pas dans le versant bourbonnais.

Le phénomène trouve ses sources dans le hasard et la nécessité.

La nécessité : Les Bois Noirs sont dans une région de moyenne montagne pauvre. Il est donc nécessaire d’avoir une activité d’appoint. Or, l’activité forestière y est contrainte depuis que les bois du Roi sont devenus à la fin du XVIIème siècle ceux de courtisans avides de les exploiter pour leur compte puis ceux de la République. De nombreux procès pour vols de bois ont lieu et se poursuivent même après la Révolution. De plus, la région est en bout de chaîne de la coutellerie de Thiers avec une double dépendance aux cycles de production de la coutellerie et au marché du bois. Enfin, la Révolution cause la perte de l’activité illicite du faux saunage, puis celle, amplifiée au 1er Empire, des débouchés étrangers qui entraînent un marasme coutelier.

Le hasard : Avant la Révolution, les marchands bourgeois thiernois achetaient toute la production des fabricants de coutellerie, et s’enrichissaient en se chargeant de la vente. Les troubles révolutionnaires les obligèrent à se désengager Dès lors, les fabricants ne peuvent ou ne veulent pas assurer eux-mêmes la vente et recherchent des vendeurs. Les plus habiles se mettent à leur compte et deviennent revendeurs multi fabricants puis multi produits.

Les sources :


Les passeports (la feuille que le colporteur amène avec lui et la souche restée en mairie), les registres en préfecture, les lettres (des paquets ont été retrouvés dans les familles), les carnets de comptes, les contrats notariés ou sous seing privé, la mémoire familiale, le contexte historique (par exemple la guerre entre le Brésil et le Paraguay), les récits d’autres voyageurs (écrivains, érudits).

Les destinations :

En Europe :

  • L’Italie Le Piémont surtout Turin, Gênes, La Sardaigne, Nice, Chambéry, Milan, Rome, Naples …
  • L’Espagne Barcelone (achat de fournitures, textiles), Madrid, Cadix, Les Canaries, Valence, Malaga, La Corogne
  • La Suisse Genève, Bâle, Zurich, Lausanne
  • L’Empire Austro-Hongrois
  • Les autres villes en Europe : Bruxelles, Anvers, Amsterdam, Mons, Lisbonne, Copenhague, St-Petersbourg, Athènes, Londres (très peu), Gibraltar.

Les autres destinations :

Alger, Alexandrie, Constantinople, Téhéran. L’Amérique : Cuba, Mexique, New-York, Californie, Nouvelle Orléans, Montana, Porto Rico, Rio, Bahia, Lima.

En France :

Ils vont partout.

Que vendaient-ils :

De la quincaillerie thiernoise :

Des couteaux de toutes sortes et de toutes qualités, des rasoirs, des ciseaux, des lames de tire-bouchons.


Du textile :

Des couvertures, du textile ménager (service de table, trousseau de la mariée), Des vêtements (gilets, pantalons).



Des armes de St-Etienne :


En Italie, sous Garibaldi en Sicile. En Grèce, en Turquie : aux familles riches contre les brigands. Au Mexique durant la guerre d’indépendance.

Tout ce qui peut se vendre :

Des montres, des parapluies, des articles de parfumerie

Qu’importaient-ils :

Des Peaux, et même des mandarines…

Comment voyageaient-ils :

A pied. En coche par terre avec la poste à chevaux, en malle-poste, en diligence des messageries. En coche d’eau. En bateau vers l’étranger. En train.

Comment communiquaient-ils :

Le patois ? pour les langues latines peut-être. Le Français est langue internationale : les pisteurs des ports, la clientèle aisée des villes. Des aides locales : les Français de l’étranger, les consulats. Quelques uns ont appris des langues étrangères et en particulier l’Espagnol.

Les dangers :

Les maladies tropicales. Les brigands. Les rixes. La maréchaussée, les douaniers.

Que disent les lettres :

La santé. Les nouvelles. La gestion à distance du domaine agricole. Les petits potins locaux. Le colporteur se fait reporter.

Des colporteurs aux bazardiers :

Baladeuse

Baladeuse à Epernay

Baladeuse

Au fil du temps le métier de colporteur se transforme : les colporteurs deviennent négociants, en Champagne ils deviennent “ bazardiers. ”

Quand et pourquoi le phénomène s’est arrêté :

On va moins loin, on ne revient plus. Le développement du train en est une des causes. La nécessité du colportage comme activité annexe est moins répandue.

La baisse de la natalité.

L’évolution positive de la coutellerie.