Le 11 janvier, Marc BONNEVILLE nous a fait partager sa passion pour l’histoire des châteaux et maisons de maîtres dans la périphérie de St-Etienne.
De nombreuses photos que l’on peut retrouver sur le site bonneville.ccolonna.net ont été projetées pour illustrer ce riche patrimoine. Ce site comporte les photos de plus d’une centaine de demeures répertoriées par commune avec une fiche informative pour chacune d’entre elles.
Le XIXème siècle constitue la grande période d’essor et de prospérité de St-Etienne, alors que de grandes fortunes se constituent dans les branches industrielles (métallurgie, textile, charbon et armement).
De nombreux immeubles de prestige sont édifiés. Mais cet essor se traduit aussi par un développement des résidences dans la périphérie stéphanoise en particulier entre 1830 et 1914.
Un certain nombre de villes françaises ont fait l’objet d’études sur les propriétés foncières possédées par les familles nobles et bourgeoises dans leur région entre le XVIIème et le XVIIIème siècle (Lyon, Toulouse, Paris…). St-Etienne, ville née tardivement de l’industrie, ne présente pas les mêmes composantes socio-économiques : pas de noblesse rentière (celle-ci étant plutôt forézienne), ni de bourgeoisie puissante au XVIIIème siècle et peu encore au début du XIXème siècle.
A cet égard, les deux premières dynamiques lyonnaises sont peu représentées en région stéphanoise.
En revanche, le prestige et la plaisance ont été les moteurs du développement dans cette région. Pour bien comprendre comment le système industriel stéphanois de l’époque a généré cette production, il convient d’analyser le fonctionnement des différentes branches en prenant compte de sa diversité.
- Jusque vers 1830-48, ce système fonctionne de façon traditionnelle : la majeure partie de la production est faite par des passementiers qui travaillent pour les fabricants. La production est disséminée dans la ville et sa proche couronne, mais le fabricant est localisé en centre ville. Les résidences des fabricants ne sont pas éloignées des immeubles de leurs recettes. Ils logent dans de beaux immeubles des rues Mi-Carême, Royale (rue de la République) et le quartier de l’actuelle place Jacquard.
- A partir de 1848-50, comme dans la soierie lyonnaise, les fabricants éprouvent le besoin d’augmenter leur production pour développer leurs marchés, en particulier vers l’étranger. Ils construisent donc des usines mécanisées soit dans la ville soit dans la campagne stéphanoise et de Haute-Loire via les usines pensionnats. La plupart optent pour une double résidence, l’hiver dans les quartiers de résidence urbaine traditionnelle et l’été dans des résidences dans les communes de la proche périphérie où sont implantées les usines.
- L’évolution du système de production a ainsi généré une recomposition et une dissociation spatio-temporelle concomitantes des fonctions industrielles et résidentielles. Cette dissociation s’est faite dans l’espace : St-Etienne pour les fonctions de conception, commerciales et de direction et à la campagne pour la production (moulinage, tissage, teinture). Les lieux de résidence sont aussi séparés : logement principal en ville dans les beaux quartiers et résidences campagnarde dans les couronnes périphériques.
- Cela correspond à une dissociation dans le temps : l’hiver à la ville et l’été au château.
Dans cette période, on observe alors une grande diversité des origines économiques et sociales des promoteurs de maisons : professions libérales, notaires, chef d’entreprises, banquiers… Cela souligne la diversification des activités économiques mais également la recherche de résidences pour accéder au prestige et satisfaire le désir d’ostentation. Cependant, tous ne disposent pas toujours de moyens financiers importants et leurs maisons sont souvent plus modestes.
Apparaît aussi une autre conception de la résidence, celle de la villégiature. On passe ainsi du prestige à l’agrément (ou les deux !). De nouvelles valeurs apparaissent : loisir, détente, sport, voire dépaysement. Pour ce faire, des nouveaux lieux d’implantation sont privilégiés notamment sur les bords de Loire ou à la campagne.
Ces transformations ont des effets sur les conceptions architecturales. Aux châteaux et maisons de maître, s’ajoute le modèle de villa.
La dénomination de « château » est souvent celle utilisée et appropriée par les habitants des communes. Ce sont des constructions de grandes dimensions, avec souvent une architecture remarquable, accompagnées de parc important, de clôtures marquées, de dépendances ou communs. Ils correspondent à une période avant 1880 mais avec des exceptions notables.
Les « maisons de maître » sont des édifices de la période 1830-1914, moins importants, souvent inspirés par des références architecturales plus simples et parfois plus récentes.
La « villa » est plus modeste et plus récente (après 1880) avec une conception qui évoque la villégiature.
La construction de châteaux ou maisons de maître répond une volonté d’affichage ostentatoire de la réussite sociale de la nouvelle bourgeoisie industrielle. Elle se fait d’abord avant 1880 dans des styles néo-historiques puis de 1880 à 1918 dans des formes et des styles beaucoup plus variés. Elle ne correspond pas forcément à l’architecture du territoire. Elle emprunte aux styles et modes (catalogues et revues spécialisées avec un répertoire de modèles), adaptée par les architectes aux goûts et budgets de leurs clients.
Cette diversité s’exprime par la coexistence de styles tout à fait différents et cela va s’accentuer entre 1890 et 1920. Elle s’exprime aussi par une tendance à associer les styles différents dans une composition hybride.
Il est difficile de trouver des sources pour analyser ces styles : difficultés pour identifier les architectes, trouver les plans ou les autorisations de construire sauf dans le cas d’édifices réalisés par les LAMAIZIERE. Certains fonds de paysagistes ont apporté des informations intéressantes y compris sur les bâtiments. Les rencontres avec un certain nombre de propriétaires et de témoins ont permis d’obtenir des informations précieuses.
Trois caractéristiques : une architecture individualisée, la multiplication et la complexité du plan et des élévations (compositions des façades dissymétriques, décrochements des façades, avancées et retraits tels auvents et galeries) et l’abondance et la variété de la décoration avec des matériaux de couleur, des garde-corps et cartouches portant des inscriptions ou des motifs peints.
Le type « castel » apparaît dès le début du XIXème siècle. Il emprunte des éléments à l’architecture des châteaux des époques historiques, mais les matériaux, la composition, les couleurs et les décors sont plus modernes. Il se distingue par des plans complexes avec décrochés, façades dissymétriques avec introduction d’influence Art Nouveau.
A la fin du XIXème siècle le style des cottages d’inspiration anglo-saxonne se répand : hautes toitures très couvrantes, utilisation de fermes de bois décoratives. Enfin apparaît mais assez tardivement, le type de chalet de nature plus simple.
Et enfin des architectures improbables : des folies.